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Emile Lansman, un bonhomme de chemin… Ce qui rend un homme passionnant - et un ami attachant - c'est l'ensemble des contradictions qui constituent sa singularité, et qui font dire quelquefois 's'il n'existait pas, il faudrait l'inventer'. Des contradictions, il me semble qu'Emile en condense quelques- unes. Investi de responsabilités multiples dans des Institutions culturelles de Belgique ou de la Francophonie, identifié comme 'expert', il pourrait presque naturellement se donner la contenance d'un technocrate de la culture, hautain et distant, habité d'un 'nous savons ce que nous savons' qui me le rendrait infréquentable. Mais non. Emile cultive d'abord l'amitié, le rire, la sympathie et une forme de franchise qui en décontenance plus d'un. Par exemple, il ne jouera jamais la modestie ou la fausse humilité : il est le premier à déclarer qu'il apprécie les honneurs, qu'il est fier quand les projecteurs sont braqués sur lui et qu'il fait du bon travail. Je ne sais pas où il a puisé cette énergie positive, peut-être dans des combats personnels et intimes qu'il a eu à mener dans sa jeunesse… Ça ne me regarde pas. Il tient à la fois du commis voyageur, sa valise de livres sous le bras, et du spécialiste incontournable convoqué à tous les colloques possibles et imaginables dès qu'il s'agit de théâtre francophone contemporain. Cependant, il m'apparaît souvent décalé dans les raouts et autres petites célébrations théâtreuses, comme si, au milieu du gazouillement convenu, il vivait intérieurement la tranquillité de celui qui reste où qu'il aille, un petit gars de Morlanwelz - le citoyen de cette région (du Hainaut belge) se caractérisant par un humour volontiers auto-dérisoire. D'avoir croisé des auteurs dramatiques de toute la francophonie, d'avoir constaté leurs difficultés à se faire lire, jouer, reconnaître, d'avoir découvert des auteurs québécois qui redonnaient un incroyable tonus à un genre littéraire qui ne s'était pas encore remis du séisme beckettien, d'avoir déniché des auteurs africains que personne ne connaissait et pour lesquels la publication de leur œuvre semblait une chose impensable, d'avoir accompagné la naissance d'une génération d'auteurs belges décomplexée, Emile Lansman a eu l'idée de devenir éditeur de théâtre. C'était il y a une quinzaine d'années. Personne n'y croyait vraiment. Sauf lui. Autant le dire, si le projet d'Emile avait été de faire fortune, c'est raté. En même temps qu'il a gagné, malgré le scepticisme ambiant, ses galons d'éditeur, Emile a dû et doit toujours faire preuve d'une ingéniosité inédite (si j'ose dire) pour maintenir à flot une maison qui n'en a pas moins publié près de 500 ouvrages, dont un grand nombre de textes de théâtre qui n'avaient pas encore été créés. 'Qui peut le moins peut le plus' doit être son principe… Et même si les grincheux, les tatillons - ceux qui ne peuvent que le moins en somme - ont pu snober un temps une politique éditoriale 'généraliste' mais surtout généreuse, relever par-ci par-là des fragilités ou des erreurs, force est de constater que les Editions Lansman ont su s'imposer dans le monde très fermé de l'édition théâtrale, grâce au volontarisme et à l'audace de son animateur. Ce qui tient au cœur d'Emile, plus que toute autre chose, dans son métier d'éditeur qu'il a appris et continue d'apprendre en l'exerçant, c'est la relation qu'il établit avec ses auteurs. Il suffit de constater sa jubilation, sa tendresse, quand il en parle en public. Et c'est vrai qu'hésitant sur un texte, il a choisi souvent de le publier malgré tout, de prendre le risque, de soutenir un auteur 'en gestation', de le pousser à retravailler sa pièce, de lui proposer des modifications… Ce qui ne va pas toujours de soi, avouons-le, tant ce soutien peut rapidement être ressenti par l'auteur comme de l'interventionnisme ou de l'incompréhension… Je dois beaucoup à Emile. Je lui dois la confiance qu'il m'a accordée très tôt. Je lui dois des rencontres décisives dans ma vie d'auteur, je lui dois d'avoir rencontré d'autres univers et notamment le Québec et l'Afrique… Dans l'état de doute quasi permanent où je vis, Emile est une des personnes qui recueille fréquemment l'expression de mes angoisses professionnelles et existentielles. Il m'écoute, n'en rajoute pas, me donne des conseils qui me renvoient utilement au réel…
dans la brochure d'accompagnement de la création de sa pièce 'BAMAKO' par le Nouveau Théâtre d'Angers. |
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